Les personnes en situation d’obésité font encore trop souvent l’objet de stigmatisations en raison d’un supposé « manque de volonté ». Marcus CF Tinnerholm / ECPO, CC BY-NC-ND
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Obésité et « manque de volonté » : les préjugés négatifs ont la vie dur

Il faut parvenir à déconstruire l’idée selon laquelle l’obésité est due à un manque de volonté. Et pour cela, l’éducation a un rôle à jouer.

Regards désapprobateurs, remarques désobligeantes sur leur physique, commentaire sur les portions de nourriture présentes dans leur assiette ou sur la qualité de leur alimentation… Les personnes en situation de surpoids ou d’obésité ont toutes fait l’expérience, à un moment ou un autre, du jugement d’autrui.

En effet, aujourd’hui encore, l’idée selon laquelle les personnes en situation d’obésité sont seules responsables de leur situation est encore largement répandue, comme le montrent les résultats de notre récente enquête sur le sujet.

Or, comme souvent, la réalité est bien plus complexe, et cette vision simpliste est non seulement inexacte, mais elle peut en outre s’avérer dangereuse : elle est en effet très souvent à l’origine de la stigmatisation des personnes en situation d’obésité.

Pour changer notre regard sur l’obésité et sur les personnes qui en souffrent, l’éducation a un rôle majeur à jouer. Mais pour améliorer plus globalement la situation, des politiques visant à rendre notre environnement plus favorable à la santé doivent également être mises en place. Et ce n’est pas une mince affaire.

L’obésité, une maladie qui progresse

En France, à l’heure actuelle, une personne sur deux est concernée par le surpoids ou l’obésité. Cette dernière, en particulier, se répand : elle touche aujourd’hui 17 % des adultes, contre 8,5 % en 1997. Notre pays reste cependant loin derrière d’autres : aux États-Unis, par exemple, 42 % des adultes étaient en situation d’obésité en 2022.

Selon la communauté scientifique, les origines de cette progression sont multiples. Elles résultent des transformations récentes et profondes de nos environnements de vie.

Ainsi, l’industrialisation a mené à la commercialisation d’aliments contenant davantage d’acides gras et de sucres que les produits frais. Cette augmentation de la densité calorique s’est par ailleurs accompagnée d’un développement sans précédent du marketing alimentaire, ainsi que d’une augmentation de l’accessibilité des aliments.

En parallèle, l’urbanisation des modes de vie a abouti à la généralisation des transports motorisés, tandis que la sédentarité a augmenté, tant sur les lieux de travail que dans le privé.

Notre environnement s’est à ce point modifié au fil des dernières décennies que certains auteurs n’hésitent plus à le qualifier d’obésogène.

Aujourd’hui, les résultats des recherches scientifiques nous permettent de l’affirmer avec certitude : les personnes en situation d’obésité ne peuvent pas être tenues pour seules responsables de leur situation. Notre environnement moderne favorise la prise de poids.

Pourquoi la volonté n’explique pas tout

L’alimentation et l’activité physique sont deux mesures préventives essentielles pour lutter contre l’obésité et ses conséquences négatives sur la santé. Ces deux comportements sont modifiables, ce qui signifie que nous avons le pouvoir d’agir sur eux. Cependant, on sait également que tous deux relèvent d’une multitude de déterminants individuels, sociaux et environnementaux.

Ainsi, au-delà de notre environnement moderne qui favorise la prise de poids, il est largement admis que l’obésité est plus fréquente chez les personnes ayant un plus faible niveau socio-économique.

Pour cette raison, il est réducteur de croire que la façon dont nous nous alimentons et dont nous bougeons est simplement affaire de choix personnel. On sait que, dans un environnement « obésogène », les interventions centrées sur les personnes, tels que les conseils nutritionnels ou les recommandations en matière d’activité physique, sont peu efficaces à long terme.

C’est la raison pour laquelle le Programme National Nutrition Santé 2019-2023 a défini comme objectif prioritaire d’agir sur l’environnement, afin de le rendre plus favorable à la santé.

Pourtant, une part importante de la population, en France comme dans d’autres pays, attribue encore l’obésité à un manque de volonté. Or, préjugés sur la volonté et stigmatisation sont liés.

Des préjugés négatifs qui ont des conséquences

Notre récente enquête réalisée auprès de 33 948 participantes et participants de l’étude NutriNet-Santé a révélé que près de 38 % des femmes et 54 % des hommes interrogés adhéraient à l’idée que l’obésité est « due à un manque de volonté ».

Ce constat est inquiétant, car, comme le souligne un collectif de sociétés savantes, d’associations et de représentants de patients, cette croyance serait en grande partie à l’origine des actes de stigmatisation envers les personnes en situation d’obésité.

À ce sujet, les chiffres sont alarmants : en France, en 2020, 56 % des personnes interrogées déclaraient avoir déjà été stigmatisées en raison de leur poids. En cause, principalement, des membres de leur famille, des camarades de classe, des médecins ou des collègues de travail. Cette stigmatisation prenait le plus souvent la forme de moqueries, de traitements injustifiés ou de discrimination.

Cette stigmatisation peut avoir diverses conséquences : moindre réussite académique et professionnelle, discrimination à l’embauche, altération des relations sociales, majoration des troubles du comportement alimentaire et des symptômes anxieux ou dépressifs, évitement des activités physiques, prise de poids accrue, moindre recours aux soins…

Devant l’ampleur de ce phénomène, et sur l’impulsion notamment des associations de patients, le terme « grossophobie » a fait son entrée dans les dictionnaires Petit Robert en 2018 et Larousse en 2023.

La question de la stigmatisation de l’obésité étant désormais entrée dans le débat public, il est urgent de trouver des solutions pour la prévenir ainsi que pour mieux protéger les personnes qui pourraient en être victimes.

Agir sur les déterminants de nos choix alimentaires

Si nos choix au quotidien doivent être orientés dans un sens favorable à la santé et au maintien du poids, agir « en amont », sur les déterminants de ces choix, pourrait permettre de prévenir l’augmentation continue de l’obésité.

De l’école au travail, en passant par les transports ou les commerces, les politiques mises en place doivent donc promouvoir des environnements qui faciliteront, tout au long de notre vie, des choix alimentaires et d’activité physique favorables à notre santé et au maintien du poids dans des valeurs considérées comme normales.

Il s’agit par exemple d’améliorer la qualité nutritionnelle des aliments, de réguler le marketing alimentaire, de rendre financièrement plus accessibles les aliments favorables à la santé, ou encore de promouvoir des plans d’urbanisme qui encouragent la pratique de la marche et du vélo.

Mais ce n’est pas tout : il faut aussi parvenir à déconstruire l’idée selon laquelle l’obésité est due à un manque de volonté. Et pour cela, l’éducation a un rôle à jouer.

Mieux former les professionnels de santé

Des travaux que nous avons coordonnés ont révélé que les personnes ayant un niveau d’étude plus élevé adhéraient moins ouvertement à l’idée selon laquelle l’obésité est liée à un manque de volonté.

Plus que le niveau d’étude, le contenu éducatif pourrait jouer un rôle déterminant. Par exemple, les étudiants en santé adhèrent moins à cette idée de manque de volonté que les étudiants des autres filières.

Suivre une formation sur les multiples causes – génétiques, sociales et environnementales – de l’obésité permettrait également de réduire cette croyance, contrairement à une formation uniquement centrée sur l’importance de l’alimentation et de l’activité physique dans la prévention de l’obésité.

Les universités ont pris conscience de l’importance de mieux former les professionnels de santé sur ces sujets. Ainsi, l’Université Sorbonne Paris Nord a mis en place des expériences pédagogiques innovantes, faisant directement participer les patients à certains enseignements, dans le cadre de la Chaire de Recherche Universitaire sur l’engagement des usagers/patients dans le système de santé. Cette initiative traduit la volonté d’aider les étudiants en santé à mieux comprendre le point de vue des patients.

Dans le cadre d’un enseignement dirigé intitulé « Stigmatisation dans les soins », un appel a été lancé sur les réseaux sociaux pour que des personnes qui ont été victimes de ce type de stigmatisation soumettent une proposition d’intervention. Parmi la trentaine de propositions formulées, plusieurs ont porté sur la stigmatisation liée à l’obésité, ce qui témoigne de l’importance de cette stigmatisation dans le cadre des soins.

Une pédagogie centrée sur la relation de soins et le vécu des patients a également été mise en place à Sorbonne Université. Celle-ci permet aux étudiants d’échanger sur leurs représentations vis-à-vis de pathologies stigmatisantes et de rencontrer des associations de patients.

Enfin, un podcast (Le serment d’Augusta. Je penserai les corps en dehors de la norme) destiné aux étudiants en santé et centré sur la relation soignant-soigné a également été produit afin de faire réfléchir à ces questions.

Cependant, s’il est important de mieux former les seuls professionnels de santé, cela ne suffira pas à modifier notre vision collective sur l’obésité. Pour y parvenir, d’autres actions devront être mises en place, non seulement à l’université, mais aussi à l’école, dans les collèges, les lycées, sur les lieux de travail, dans les cabinets médicaux, les médias…

La stigmatisation de l’obésité ne cessera que lorsque nous aurons tous compris que nos habitudes alimentaires et d’activité physique dépendent avant tout de facteurs sociaux et environnementaux (en particulier économiques), plutôt que de notre seule volonté…


Alice Bellicha, Maître de Conférences, Université Sorbonne Paris Nord; Chantal Julia, Maitre de Conférence Université Paris 13, Praticien Hospitalier, Hôpital Avicenne (AP-HP), Équipe de Recherche en Épidémiologie Nutritionnelle, U1153 Inserm, Inra, Cnam, Université Sorbonne Paris Nord; Jean-Michel Oppert, PUPH et chef de service de Nutrition à l’hôpital Pitié-Salpêtrière, Sorbonne Université et Mathilde Touvier, Directrice de l'Équipe de Recherche en Épidémiologie Nutritionnelle, U1153 Inserm, Inra, Cnam, Université Sorbonne Paris Nord, Inserm

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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